Alors que le secteur mobile affiche des avancées notables dans la réduction de son empreinte carbone, un rapport de la GSMA met en lumière les disparités croissantes entre pays développés et marchés émergents, notamment en Afrique. Pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, une mobilisation collective et accélérée est indispensable.
Le dernier rapport Mobile Net Zero 2025 publié par la GSMA dresse un bilan encourageant des efforts du secteur mobile mondial face au changement climatique. Entre 2019 et 2023, les émissions opérationnelles des opérateurs ont diminué de 8% malgré une croissance simultanée de 9% du nombre de connexions mobiles et une multiplication par quatre du trafic de données. Ce découplage entre croissance numérique et impact environnemental est un signe positif, contrastant avec la hausse globale des émissions mondiales.
Aujourd’hui, 75% des opérateurs mobiles sont engagés dans une trajectoire Net Zéro à l’horizon 2050, et plus de 40% visent même cet objectif avant 2040. Cette dynamique traduit une prise de conscience réelle des enjeux climatiques et une volonté d’agir concrètement.
Depuis 2015, les opérateurs ont réduit de 30% leurs émissions directes (Scope 1 et 2), grâce à l’efficacité énergétique des équipements et à l’augmentation de la part d’électricité verte, qui atteint désormais 37% au niveau mondial (contre 14% en 2018). Douze opérateurs ont même atteint un approvisionnement 100% renouvelable.
Cependant, la consommation électrique globale du secteur a augmenté de 12% depuis 2019, portée par l’explosion des usages mobiles et le déploiement massif de la 5G. Plus de 75% de cette énergie est utilisée par les réseaux d’accès mobiles, ce qui souligne l’importance de l’optimisation énergétique à ce niveau.
Le Scope 3, qui regroupe les émissions indirectes liées à la chaîne d’approvisionnement, au transport ou à la fabrication des terminaux, reste largement hors de contrôle. Ces émissions représentent environ 70% du total du secteur, ce qui implique que la décarbonation ne peut réussir sans une mobilisation collective de l’ensemble des acteurs, fournisseurs compris.
Le rapport met en lumière des disparités régionales importantes. En Europe et en Amérique du Nord, certains opérateurs atteignent jusqu’à 80% d’électricité verte, tandis qu’en Afrique, cette proportion est souvent inférieure à 20%. Les contraintes d’accès aux énergies renouvelables, les infrastructures limitées et des politiques énergétiques peu incitatives freinent la transition vers des réseaux plus durables sur le continent.
Par ailleurs, l’Afrique doit relever un double défi : étendre la connectivité à des millions de citoyens non connectés tout en limitant l’impact environnemental de cette croissance. Pour cela, la GSMA recommande la mise en place de politiques publiques incitatives, un soutien renforcé des bailleurs de fonds et des partenaires techniques, ainsi qu’une meilleure implication des acteurs locaux, y compris les associations de consommateurs et les régulateurs.
Pour réduire leur empreinte, les opérateurs misent sur la modernisation des infrastructures : systèmes de refroidissement intelligents, antennes écoénergétiques, 5G éco-conçue, recyclage et reconditionnement des terminaux pour prolonger leur durée de vie. Des partenariats avec des équipementiers majeurs comme Ericsson, Huawei ou Nokia favorisent le développement de solutions plus sobres en carbone.
L’essor de l’intelligence artificielle, bien qu’augmentant la demande énergétique des data centers, offre aussi des opportunités pour optimiser les réseaux et améliorer leur efficacité énergétique.
La transparence progresse : 81 opérateurs couvrant près de la moitié des connexions mondiales ont adopté des objectifs climatiques validés par la Science Based Targets Initiative (SBTi), et 60% des connexions mondiales sont désormais couvertes par des rapports environnementaux publics. Le secteur mobile est ainsi l’un des plus transparents à l’échelle mondiale.
Néanmoins, le rapport alerte sur la nécessité d’accélérer la cadence : le rythme actuel de réduction des émissions (environ 4% par an) doit presque doubler pour atteindre 7,5% annuellement jusqu’en 2030 et rester sur la trajectoire Net Zéro 2050.
Le chemin vers un secteur mobile neutre en carbone exige une action collective et coordonnée impliquant opérateurs, fournisseurs, gouvernements et citoyens. L’inclusion des régions les plus vulnérables, notamment en Afrique, est essentielle pour garantir un avenir numérique plus vert, responsable et équitable.
Le secteur mobile est aujourd’hui un acteur exemplaire dans la lutte contre le changement climatique, combinant innovation technologique, transition énergétique et responsabilité sociétale. Ses progrès sont réels et encourageants, mais les défis restent nombreux, en particulier en matière d’émissions indirectes et d’inégalités régionales. Pour transformer ces avancées en succès durable, une mobilisation accélérée, inclusive et solidaire est indispensable.
Par : Abdoulaye BAH, Spécialiste Telecom/TIC
Sources : GSMA Mobile Net Zero Report 2025, MWC Shanghai 2025, PR Newswire