LES PIONNIERS AFRICAINS DE L’ENERGIE DE DEMAIN

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Le capital n’est pas toujours le principal facteur de développement et de croissance de l’économie d’un pays ou d’un continent. C’est l’énergie qui en est le facteur essentiel. C’est, au moins, ce que pense un chercheur comme Gaël Giraud du CNRS français. Comme plusieurs africains qui s’accordent à dire que c’est le développement des infrastructures  énergétiques qui permettra le décollage durable et définitif de l’économie de nombreux pays africains, ce chercheur français affirme que “le vrai rôle de l’énergie va obliger les économistes à changer de dogme”.
Et il ne s’arrête pas là. Il ajoute que, depuis deux siècles, depuis les travaux d’Adam Smith et de David Ricardo, par exemple, la plupart des économistes expliquent que l’accumulation du capital est le secret de la croissance économique inédite que connaissent les sociétés occidentales, puis une partie du reste du monde. Marx était, lui aussi, convaincu de cette apparente évidence.
Or, historiquement, l’accumulation du capital — au sens moderne — n’a pas commencé au 18ème siècle avec le début de la révolution industrielle, mais au moins deux cents ans plus tôt. Inversement, la première “révolution marchande” des 12ème et 13ème siècles, qui permit à l’Europe de sortir de la féodalité rurale, coïncide avec la généralisation des moulins à eau et à vent. Une nouvelle source énergétique, en plus de la photosynthèse (agriculture) et de la force animale, devenait disponible. De même, qui peut nier que la découverte des applications industrielles du charbon, puis du gaz et du pétrole (et, plus récemment, de l’atome) a joué un rôle décisif dans la révolution industrielle, et partant, comme moteur de la croissance ?
En d’autres termes, c’est l’énergie qui est le facteur prioritaire sur lequel le leadership africain doit se concentrer, s’il veut gagner le pari du succès économique. À cet effet, un objectif de production d’énergie verte a été fixé en Afrique pour 2030. Produire 300 GW. Un tel objectif est ambitieux. Mais, grâce à l’arrivée de nouveaux financements ainsi que le potentiel solaire, éolien et hydraulique du continent, ce défi devient réalisable.
Aubin Ngoua propose des cellules photovoltaïques en 3Dcapture-decran-2016-10-21-a-19-00-04
Fondée en avril par le jeune ingénieur gabonais Aubin Ngoua, diplômé de l’École polytechnique d’Agadir (Maroc), la start-up Solar Box Gabon conçoit des kits solaires et les loue aux ménages et aux entreprises. Composées d’une batterie et d’un régulateur de tension, ses cellules photovoltaïques en forme de cube sont particulièrement efficaces : “Grâce au pouvoir réfléchissant des rayons qui ricochent sur les parois, elles fournissent trois fois plus d’énergie qu’un panneau solaire classique”, explique l’entrepreneur.
Avec les 12 millions de francs CFA (près de 18 300 euros) qu’il a empochés en remportant le deuxième prix du “Startupper de l’année 20 16”, décerné par Total, Aubin Ngoua a pu acheter une centaine de cubes solaires fabriqués en Chine.
 D’après Jeune Afrique, il en a écoulé vingt-cinq en un mois. Solar Box Gabon propose trois formules d’abonnement : 50 kWh pour les populations modestes des zones rurales ; 100 kWh pour les domiciles équipés d’appareils électroménagers ; et une formule Premium à 300 kWh à destination des entreprises. Les abonnements vont de 135’000 à 655’000 F CFA, et sont suivis de mensualités allant de 10’000 à 55’000 F CFA.
Les objectifs de cette petite entreprise de huit personnes : raccorder, dans les trois prochaines années, 75 % des sites isolés (dont 2’300 villages) que compte le Gabon ; et diminuer la facture d’électricité des usagers de 15’000 à 5’000 F CFA par mois. Alors que le pays fait figure de bon élève sur le continent avec un taux d’accès à l’électricité de 89 %, il n’est pas épargné par les coupures, fréquentes. Solar Box Gabon compte fournir une énergie d’appoint en remplacement des groupes électrogènes, chers et polluants.
Jusqu’en 2017, cependant, seul l’opérateur national est autorisé dans les grandes villes. Une contrainte qui n’empêche pas Aubin Ngoua de voir grand. L’entrepreneur, qui s’imagine déjà implanté dans une vingtaine de pays, veut résoudre le problème du stockage de l’énergie, le principal obstacle au développement des technologies solaires.
capture-decran-2016-10-21-a-19-05-39Amine Chouaieb présente l’appli qui diminue la facture
Quand on fait des économies sur la consommation, on en fait neuf fois plus sur la production”, explique Amine Chouaieb. Cet ingénieur tunisien de 31 ans, fondateur en 2011 de la start-up Chifco, a mis au point une box qui permet d’évaluer en temps réel et de réguler la consommation d’énergie des équipements ménagers. Des capteurs, reliés à des prises ou aux appareils, transmettent l’information à une application mobile.
Pour 5 euros par mois (dans le cadre d’un abonnement téléphonique), le système permet d’économiser entre 5 % et 250 25 % sur sa facture d’électricité. “Les équipements les plus énergivores, comme les ballons d’eau chaude, comptent souvent pour 60 % à 70 % de la facture”, précise l’ingénieur.
Forte d’une quarantaine de salariés et de près de 1 500 clients, en Tunisie, en France, aux États-Unis et bientôt aux Maldives et au Maroc, l’entreprise a levé 1,4 million de dinars (plus de 600 000 euros) auprès de la Banque d’affaires de Tunisie début 2015. Elle double de taille chaque année et devrait réaliser 1,7 million de dinars de chiffre d’affaires en 2016, d’après son responsable.
D’ici à septembre, Chifco, qui a signé un partenariat avec la start-up californienne IFTTT, devrait aussi lancer de nouvelles fonctionnalités, notamment un service d’automatisation de certaines tâches suivant des règles prédéfinies – par exemple, programmer automatiquement l’éclairage extérieur à la tombée de la nuit. Cet acteur de l’internet des objets (pilotage à distance des objets connectés) est aussi spécialisé dans le M2M (“machine to machine”), la technologie qui permet aux machines de communiquer afin de collecter des données.
capture-decran-2016-10-21-a-19-00-21Ruben Walker, l’homme qui fait du feu… sans fumée
Trois milliards de personnes dans le monde font cuire leurs aliments et chauffent leur maison au charbon de bois. La fumée toxique qui en émane provoque de graves maladies respiratoires et de nombreux décès, surtout chez les femmes et les enfants      – plus de 4 millions de personnes meurent prématurément chaque année à cause de la pollution de l’air intérieur, selon l’OMS.
S’attaquant à ce fléau, la start-up African Clean Energy, lancée par le Néerlando-Sud-Africain Ruben Walker et son père, Stephen Walker, en 2011, fabrique des cuisinières solaires au Lesotho depuis 2012. Baptisées ACE 1, elles sont dotées d’une batterie alimentée par de petits panneaux photovoltaïques et d’un port USB qui permet de charger d’autres appareils électroniques.
La fumée est supprimée grâce à un procédé de gazéification qui transforme les matières végétales en gaz de synthèse combustible ”, explique le cofondateur. Résultat : il n’y a plus d’émissions de carbone et la consommation de combustible est réduite de 70 %.
African Clean Energy a déjà écoulé 35’000 de ses cuisinières solaires — directement vendues dans les villages pour une centaine de dollars, payables en plusieurs fois — et compte ouvrir de nouvelles usines pour produire au total plus de 250’000 unités. Soutenue notamment par la Fondation BMW, avec une part de financement participatif et d’entrepreneuriat social, la start-up exporte en Ouganda, au Malawi, au Kenya, en Afrique du Sud et jusqu’au Cambodge.

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