Infrastructures : quels sont les risques du monopole du câble sous-marin par les géants de l’internet ?

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Les géants de l’internet mondial possèdent 70% du secteur du câblage sous-marin, une industrie qui remonte à l’invention du télégraphe. Cette mainmise des GAFAM (Google, Amazone, Microsoft, Apple) est assez récente, depuis une décennie environ, et comporte des risques : celui de monopole sur la transmission d’informations et celui de dépendance à ces acteurs.

Les câbles sous-marins sont les artères vitales d’internet. Presque toutes les données mondiales (99%) transitent par ces câbles. Grâce à leur mainmise sur cette gigantesque infrastructure,  les GAFAM  dominent aujourd’hui  l’accès au Web.

C’est ce que révèle une étude publiée dans Journal “Le Monde” par le journaliste expert en télécommunications Olivier Pinaud. En réponse à une question sur le Forum RTS lundi, le journaliste affirme que cette monopolisation s’explique déjà “simplement” par le fait qu’ils ont “beaucoup d’argent” : “Si on regarde Alphabet, la maison mère de Google, ils ont plus de 20 milliards de cash dans leur fonds fin 2022, ce qui leur confère une solidité financière et une capacité d’investissement phénoménales.

“Surtout, ils ont besoin d’avoir des infrastructures pour transporter leurs données”, ajoute le journaliste. “Il n’y a que la fibre optique qui permette de transporter des vidéos, des appels, etc. Ils avaient besoin de cette infrastructure. Ils se sont dits : ‘On a de l’argent, on a le temps, on a des moyens pour le faire, pourquoi ne pas faire nous-mêmes des investissements qu’opéraient autrefois les opérateurs de télécoms et, il y a très longtemps, les opérateurs de télégraphes ?”, raconte Olivier Pinaud.

Conséquences du monopole

Des interrogations se posent donc concernant les effets d’une telle mainmise. “Déjà, c’est une bonne chose que des groupes comme Google ou Meta investissent là-dedans”, pense Olivier Pinaud. “Ils ont de l’argent, ils font les choses correctement. C’est bien pour le déploiement d’internet d’avoir des infrastructures de qualité (…) On ne peut pas les critiquer là-dessus”.

“En revanche, nuance le journaliste, c’est vrai que depuis qu’ils sont arrivés dans ce secteur au début des années 2010 – le premier câble de Google remonte à 2011, c’est un transpacifique -, depuis qu’ils ont massivement investi dans le secteur, ils ont totalement chamboulé une industrie qui était séculaire, qui avait l’habitude de travailler avec son agenda, avec ses cycles : pendant 5-6 ans, il y avait des commandes, puis durant 5-6 ans, ça se calmait. Depuis 2010, le secteur ne se calme jamais, observe-t-il. C’est toujours plus de commandes, toujours plus de demandes technologiques de Facebook ou de Google auprès des fabricants pour qu’ils augmentent la capacité et la puissance des câbles”.

Pour le journaliste, cet appétit a créé une tension sur une industrie assez limitée en nombre d’acteurs dans le monde. “C’est là un des dangers potentiels de cette suractivité : les sous-traitants et les fabricants dépendent uniquement des commandes des GAFAM. Si ces derniers ralentissent les commandes, les sous-traitants seront forcément en difficulté”.

Risque de contrôle des données ?

Autre inquiétude, celle de la surveillance de masse et du contrôle des données. “Il n’y a pas nécessairement une volonté de contrôle (des données), parce que ce qu’ils cherchent, eux, c’est de contrôler le trafic qui passe entre leurs différents serveurs pour pouvoir offrir le meilleur service à leurs abonnés”, explique le journaliste.

“Sachant que la très grande majorité de leurs données naissent ou finissent par être stockées sur le sol américain, les liaisons de et vers les Etats-Unis sont stratégiques. Sur les 23 centres de données détenus par Google, par exemple, 14 y sont situés”. Sans les câbles sous-marins, les GAFAM n’auraient ainsi pas pu prendre le contrôle de l’internet mondial comme ils l’ont fait, peut-on apprendre dans l’article d’Olivier Pinaud publié dans Le Monde.

“En revanche, (…) imaginons qu’un jour, un de ces acteurs décide, à la demande d’un Etat – les Etats-Unis par exemple -, de ne plus fournir des services à un pays parce qu’il est considéré comme ‘ennemi’. Ça créerait de vraies problématiques (…). Aujourd’hui, il n’y a pas de volonté de ce type, mais potentiellement, c’est un réel danger, ou en tout cas ça crée une dépendance à l’encontre de ces acteurs-là,” s’inquiète-t-il dans Forum.

Il serait faux de parler de privatisation, car les Etats-Unis ont encore un grand poids dans les décisions concernant ces câbles. “Ce sont des projets et des investissements privés qui sont financés par des entreprises privées, mais les Etats-Unis, depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, ont considérablement renforcer leurs mesures de contrôle et de protection”, selon le journaliste.

“Il y a même une cellule qui a été créée à la Maison Blanche, “Team Telecom”. Elle s’est, depuis, transformée en comité officiel qui décide si oui ou non les GAFAM peuvent déployer un câble partant des Etats-Unis vers un autre pays”, informe-t-il.

“S’il est tout à fait autorisé qu’un câble aille des Etats-Unis vers l’Europe ou le Japon, les deux principales routes mondiales, il est aujourd’hui quasiment impossible d’imaginer un câble qui partirait de la côte Est américaine jusqu’à l’Asie en passant par la Méditerranée. La Team Telecom refuserait tout projet de ce type”, conclut Olivier Pinaud.

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