Face à une dépendance numérique critique et des coupures à répétition, cinq pays d’Afrique de l’Ouest s’unissent pour construire une nouvelle dorsale numérique. Le Second Submarine Cable Project entend redéfinir la connectivité régionale et garantir un accès internet résilient, sécurisé et souverain.
Alors que les ambitions numériques de l’Afrique de l’Ouest s’intensifient, le Second Submarine Cable Project s’impose comme une réponse stratégique à une réalité technique jusque-là fragile. Ce projet, d’envergure régionale, entend révolutionner la connectivité du Libéria, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée et de la Sierra Leone, en leur offrant une seconde dorsale sous-marine capable de soutenir durablement la transformation numérique en cours.
Depuis plus d’une décennie, ces pays s’appuient quasi exclusivement sur le câble ACE (Africa Coast to Europe) pour leur connexion internationale. Mais les coupures massives de 2018 et 2024 ont montré avec brutalité les limites de cette dépendance unilatérale. En quelques heures, c’est tout un écosystème numérique qui vacille : administrations paralysées, écoles déconnectées, hôpitaux isolés, entreprises coupées du monde… Un scénario que le projet entend désormais releguer au passé.
L’objectif du Second Submarine Cable est double : assurer une résilience numérique robuste et offrir un accès haut débit fiable, sécurisé et abordable à l’ensemble des utilisateurs. Pour les cinq pays concernés, il s’agit de bâtir un socle technique solide sur lequel reposera l’économie numérique de demain, en évitant que la moindre panne ne provoque une crise nationale.
Derrière ce projet, une coopération régionale structurée : le Libéria en assure la coordination, avec le soutien actif de la CEDEAO, de la Banque mondiale et des gouvernements partenaires.
En 2025, la signature d’un protocole d’accord entre la Guinée et la Gambie a marqué une étape décisive, ouvrant la voie à des études de faisabilité approfondies, menées par le cabinet TACTIS. Résultat : une feuille de route claire, alliant solutions technologiques modernes, viabilité financière et vision stratégique à long terme.
Les impacts attendus sont majeurs : réduction drastique des risques de coupure, baisse des coûts de bande passante, fiabilité renforcée des services numériques et surtout, une accélération significative de la transformation digitale dans la région. Cette nouvelle infrastructure permettra de soutenir l’essor de projets structurants dans plusieurs secteurs clés : e-gouvernement, éducation en ligne, télémédecine, startups numériques, fintechs et services publics intelligents.
Mais ce câble ne se limite pas à l’infrastructure. Il symbolise aussi une volonté affirmée de souveraineté numérique, dans un contexte où la maîtrise des flux de données devient aussi stratégique que la gestion des ressources naturelles. En sécurisant l’accès à internet, les États concernés entendent garantir à leurs citoyens un accès équitable aux opportunités offertes par le numérique, tout en renforçant leur positionnement dans l’économie mondiale.
Les prochaines étapes sont déjà en cours : validation technique et financière des plans de déploiement, mobilisation des investisseurs, implication des acteurs publics et privés, et enfin lancement des appels d’offres, avec un accent fort mis sur la durabilité environnementale, la cohésion régionale et le renforcement des économies locales.
Le Second Submarine Cable Project se dessine ainsi comme bien plus qu’un simple projet de connectivité. Il devient le levier structurant d’un avenir numérique inclusif, résilient et compétitif. Dans un monde où la capacité à se connecter détermine de plus en plus la capacité à progresser, ce câble représente une pierre angulaire du développement technologique ouest-africain.
Par Abdoulaye BAH, spécialiste des télécommunications et du numérique