Télécoms au Nigeria : que cache la suppression de la taxe de 5 % ?

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Sous pression depuis deux ans, le droit d’accise sur les services télécoms au Nigéria  est finalement supprimé. Une bouffée d’oxygène pour les opérateurs… mais un début seulement, selon les acteurs du secteur.

Le gouvernement nigérian a décidé de supprimer définitivement le droit d’accise de 5 % qui pesait sur les services de télécommunications.
La mesure, officialisée par Aminu Maida, vice-président exécutif de la Nigerian Communications Commission (NCC), met fin à une longue incertitude réglementaire.

Introduite par la loi de finances 2020, cette taxe avait été dévoilée en 2022 sous l’administration Buhari, dans le but de compenser la baisse des recettes pétrolières.

Après plusieurs reports, elle avait été suspendue en juillet 2023 par le président Bola Tinubu, avant de réapparaître dans le projet de loi de finances 2024 adopté en mai dernier.
Cette volte-face législative avait suscité l’inquiétude des opérateurs comme des consommateurs.

Dès 2022, Gbenga Adebayo, président de l’Association of Licensed Telecommunications Operators of Nigeria (ALTON), sonnait l’alarme :

« Nous n’avons jamais eu de clarté sur les modalités d’application de cette taxe, mais nous savions que le fardeau retomberait sur l’usager final. Les télécoms doivent être considérés comme un service essentiel, pas comme un produit de luxe. »

Dans un pays où les télécommunications représentent un levier majeur d’inclusion sociale et économique, cette taxe apparaissait déconnectée des réalités du terrain.

Avec 171,7 millions d’abonnés mobiles et 140,6 millions d’utilisateurs d’Internet pour 216 millions d’habitants, le Nigeria représente le plus grand marché télécoms d’Afrique. Mais derrière ces chiffres impressionnants, les opérateurs doivent composer avec des coûts d’exploitation en forte hausse, liés à la flambée du prix du diesel et de l’énergie, à la dépréciation du naira, aux droits de douane sur les équipements importés et à près de 50 taxes prélevées à différents niveaux de gouvernement.

Pour Aminu Maida, patron de la NCC, la suppression du droit d’accise constitue un signal fort en faveur de la compétitivité et de la croissance du secteur. Mais les acteurs télécoms estiment que la réforme doit aller plus loin. La GSMA, qui fédère les opérateurs mobiles mondiaux, appelle à une refonte complète du système fiscal afin de ramener la pression globale à un seul chiffre, conformément à la directive présidentielle.

De son côté, l’ALTON plaide pour des réformes structurelles : harmonisation des droits de passage entre États, suppression de la TVA sur les infrastructures télécoms, révision de la taxe sur l’éducation supérieure, réduction de la retenue à la source de 10 % appliquée aux fournisseurs de tours, allègement de la TVA sur le diesel importé, rétablissement de l’amortissement fiscal des investissements et clarification des compétences fiscales à travers une réforme constitutionnelle.

Les opérateurs affirment que des ajustements fiscaux ciblés pourraient transformer le paysage numérique : baisse des coûts d’exploitation, relance des investissements dans les infrastructures et accès plus abordable aux services pour les consommateurs. Dans un pays où la transformation numérique est devenue un levier stratégique de développement, la fiscalité apparaît désormais comme l’arbitre décisif entre stagnation et décollage.

Le Nigeria concentre à lui seul le plus grand marché télécoms d’Afrique. Mais derrière ses chiffres record, le secteur ploie sous une fiscalité étouffante et des coûts d’exploitation en hausse, comme le montre ce tableau :

INDICATEURS

VALEURS

Abonnés à la téléphonie mobile

171,7 millions

Utilisateurs d’Internet

140,6 millions

Population totale

216 millions

Taux de pénétration mobile

≈ 79 %

Nombre estimé de taxes supportées par les opérateurs

~50

Droit d’accise supprimé

5 %

La suppression du droit d’accise de 5 % est une victoire partielle pour les opérateurs nigérians.
Mais sans réforme fiscale globale, le secteur risque de rester freiné par une charge fiscale éclatée et excessive.
Les mois à venir diront si cette première avancée ouvrira la voie à un véritable « New Deal fiscal » pour les télécoms en Afrique de l’Ouest.

 

Par Abdoulaye BAH

Spécialiste Télécommunications & Numérique

 

 

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