Adoptée à Alger par les ministres africains du Numérique lors de la 4ᵉ Conférence africaine des start-up tenu du 6 au 8 décembre 2025, la Déclaration d’Alger sur des plateformes numériques fixe les grandes orientations du continent en matière de gouvernance numérique. Elle ouvre la voie à une régulation commune des principales plateformes opérant en Afrique, telles que Facebook, X, TikTok, Spotify ou encore Netflix.
Cette démarche répond à un constat clair : pendant plus d’une décennie, ces plateformes ont structuré l’économie numérique africaine sans véritable contre-pouvoir. Pour y remédier, la Déclaration propose un cadre politique continental visant à harmoniser les réponses nationales et à renforcer le poids du continent dans les négociations avec les acteurs mondiaux.
Dans cette logique d’unification, l’objectif est de permettre aux États africains de parler d’une seule voix, d’éviter les négociations isolées et d’instaurer des mécanismes coordonnés de régulation, de sanctions et de coopération technique. Le texte entend ainsi consolider la souveraineté africaine sur les données, l’économie numérique et les espaces informationnels, en imposant des obligations claires en matière de fiscalité, de contenus et de protection des données.
Pour atteindre ces ambitions, la Déclaration prévoit la mise en place de principes communs pour l’enregistrement et la supervision des plateformes, l’encadrement de leurs modèles économiques afin d’assurer une contribution plus équitable aux économies locales, ainsi que la définition de normes continentales de sécurité, de transparence et de responsabilité. La souveraineté numérique constitue ici le fil conducteur, avec des exigences portant sur la localisation des données, la promotion de clouds souverains et l’investissement dans les infrastructures locales.
Sur le plan économique, la Déclaration met également l’accent sur une meilleure redistribution de la valeur créée en Afrique. Cela inclut une fiscalité adaptée aux modèles OTT, des obligations d’investissement local (formation, R&D, soutien aux startups, financement de contenus locaux), ainsi que le renforcement des capacités des administrations fiscales et régulatoires. Elle insiste par ailleurs sur une modération des contenus plus responsable et adaptée aux réalités africaines, avec un accent particulier sur la lutte contre la haine, la désinformation, le cyberharcèlement et la protection des groupes vulnérables.
Enfin, dans un contexte d’essor de l’intelligence artificielle, le texte intègre la question de l’IA responsable, en exigeant davantage de transparence et d’éthique dans les algorithmes, et en encourageant le développement de solutions ancrées dans les réalités linguistiques, culturelles et économiques africaines.
Pour les professionnels du numérique, la Déclaration représente à la fois une opportunité et un signal d’alerte : elle annonce un environnement plus structuré et plus exigeant, mais aussi porteur pour les acteurs régionaux. Elle fixe surtout un cap politique clair : faire de l’Afrique un espace numérique régulé et souverain, capable de transformer ce texte d’orientation en lois, en infrastructures et en outils de contrôle, et d’imposer aux plateformes mondiales un cadre commun plutôt qu’un patchwork de règles nationales.
Source : aps
Par Abdoulaye BAH
Spécialiste Télécommunications & Numérique

























